« Je souhaite ouvrir des maisons de retraites pour gays et lesbiennes au sens spirituel du terme ».

Propriétaires du Domaine de Moulin-Mer, Joaquin et son compagnon offrent à leurs visiteurs une immersion inédite en pleine nature finistérienne. Le décor idéal pour une pause bien-être et introspective, dans lequel ils envisagent de créer la maison de retraite d’un nouveau genre, destinée à une clientèle gay et lesbienne. Explications.

Pourquoi avez-vous décidé un beau jour d’ouvrir une maison d’hôtes ?

C’était en 2017. Professionnellement, j’étais à la croisée des chemins. Après un passage dans l’administration pénitentiaire et un doctorat de droit avorté, j’ai ressenti le besoin de refermer ce chapitre de ma vie. Comme j’avais le souhait, depuis longtemps, d’ouvrir une maison d’hôtes, nous nous sommes dit, avec mon conjoint, que c’était le bon moment.

Pourquoi avoir choisi la Bretagne ?

Parce nous allions souvent y passer nos vacances et, chaque fois, nous faisions le constat que ce pays nous correspondait vraiment, notamment pour la douceur de son climat. Nous avons donc écumé la région et sommes tombés sur le Domaine de Moulin-Mer un jour de la Saint-Valentin.

Quels étaient vos critères de recherche ?

Nous recherchions une propriété préalablement tenue par un couple de gays – ce qui est le cas de Moulin-Mer – car cela impliquait une acceptation de la population. Il n’était pas question de quitter Paris pour arriver au hasard dans un bourg de deux mille habitants au bout de la Bretagne ! Si la maison nous a séduits, c’est aussi grâce à son parc paysager de deux hectares, à quelques minutes du bord de mer.

Comment décrire l’atmosphère qui règne sur le domaine ?

Dès que nous sommes arrivés, nous avons été charmés par la tranquillité des lieux, sans aucune pollution visuelle ou sonore. Je me souviens encore de notre premier réveil, salués par un concert de chants d’oiseaux. Nous avons exploité ce sentiment de quiétude en créant un SPA à partir des installations préexistantes, comprenant un bain à remous avec nage à contre-courant. Nos hôtes disposent également d’une salle de massage, d’un sauna et d’un hammam.

Quel style préside à la décoration du manoir ?

Celui que nous avions déjà à Paris, à savoir un ameublement Louis XVI, élégant, mais sans ostentation. Il est si bien adapté aux murs que, souvent, nos visiteurs imaginent qu’il a toujours été là.

Au-delà d’une simple maison d’hôtes, vous travaillez sur un projet innovant : quel est-il ?

Il y a une quinzaine d’années, j’ai commencé à réfléchir sur des créations de maison de retraite pour gays et lesbiennes, au sens spirituel du terme. J’ai envie de proposer des lieux où l’on aurait la possibilité de se retrouver, en se connectant à son esprit et ses désirs profonds. Pour cela, il faut opérer un retour sur soi qui nécessite un moment de calme. Il y a un âge où cette tranquillité est accessible, car, malheureusement, on n’intéresse moins de monde. Le but étant de pouvoir continuer à vivre en sachant réellement ce dont on a besoin pour passer le cap.

Comment imaginez-vous les choses ?

S’il est difficile de se projeter dans un lieu qui serait le dernier de sa vie, il me semble plus aisé de proposer une retraite dans un premier temps, afin de s’imaginer dans une autre vie et décider quelles formes elle pourrait prendre. Les personnes viendraient d’abord pour un séjour de deux à trois semaines, avant de décider si elles ont envie de poursuivre ou pas.

Pourquoi le modèle existant de maisons de retraite ne vous convient-il pas ?

Parce qu’il ressemble aux maisons de retraite pour hétéros, c’est-à-dire un endroit où l’on réunit des gens âgés pour vivre ensemble. Je ne suis pas certain qu’appliquer aux homos les recettes des hétéros soit une bonne solution. Je pense que nous sommes différents et que nous ne nous nourrissons pas des mêmes choses.

Avez-vous trouvé un nom pour ces établissements d’un nouveau genre ?

J’aimerais les appeler des Aînesses et nos résidents des Aînés. Idéalement, nous souhaiterions démarrer courant 2020.

La réalisation de votre projet aura des répercussions réelles sur votre vie quotidienne. Comment le concevez -vous ?

Je fais le pari que notre maison d’hôtes accueillera à la fois des personnes qui viennent sur du long terme et des vacanciers de passage. Progressivement, je vais destiner une partie du domaine à ceux qui souhaitent de longs séjours. Tout cela se fera de façon empirique car le facteur humain est essentiel dans un tel projet. Le principe de base étant l’existence d’aspirations similaires, concernant une expérience de vie en commun, avec la possibilité de laisser du temps au temps pour vivre les choses. Il faut que les personnes se sentent prêtes et qu’elles ne requièrent pas d’assistance médicale. Si elles le souhaitent, elles pourraient aussi participer à la vie de la maison. Ce qui est nouveau, c’est de conjuguer retraite et activité sociale. Je souhaiterais également ouvrir à terme un deuxième lieu, afin que les personnes puissent alterner les séjours au long de l’année. Quand on est gay, on est souvent à droite ou à gauche, il n’y a pas de raison que cela change avec l’âge !

DOMAINE DE MOULIN MER
Logonna-Daoulas
Joaquin & Bernard
Chambres d’hôtes et résidence seniors
Tel : +33 2 98 07 24 45